Ces entreprises qui ouvrent leurs portes aux sans-abri

Depuis trois ans, les Bureaux du Cœur proposent d’héberger, au sein d’entreprises, des sans-abri. Née à Nantes, l’initiative s’étend à travers la France.

Par Sylvain Moreau, à Rennes

Pierre-Yves Loaëc, fondateur des Bureaux du Coeur et dirigeant de l'agence de communication Nobilito.
Pierre-Yves Loaëc, fondateur des Bureaux du Coeur et dirigeant de l'agence de communication Nobilito. © Sylvain Moreau

Temps de lecture : 4 min

« Une personne insérée, elle a quoi ? Un logement et un travail, la plupart du temps. Mais si je n'ai que le logement et pas le travail, je vais avoir du mal à conserver le logement. Et si je n'ai que le job et pas le logement, je vais avoir du mal à conserver le job. C'est terrible parce que ça veut dire que, si vous êtes dans l'incapacité d'avancer sur les deux plans en même temps, vous risquez de rentrer dans une spirale infernale. » C'est en partant de ce constat que Pierre-Yves Loaëc, dirigeant de l'agence de communication nantaise Nobilito, a fait germer une idée : utiliser les locaux d'entreprises inoccupés la nuit pour héberger des personnes à la recherche d'un logement.

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À l'hiver 2018, le quadragénaire croise une femme qui dort sur la bouche d'aération du parking où il gare son véhicule. « Plusieurs fois, je me suis dit : C'est pas possible. T'es en train de chauffer quasiment 200 m² de bureaux, avec une salle de bains, une kitchenette… Il suffirait de mettre un matelas pour la loger. » C'est le déclic.

« Je dors beaucoup mieux quand il y a quelqu'un ici »

Il franchit alors le pas que beaucoup se refusent à faire et crée, avec le soutien d'autres entrepreneurs réunis au sein du Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) de Nantes, les Bureaux du Cœur à la fin de l'année 2019. Une première invitée est accueillie dans une entreprise de La Montagne (Loire-Atlantique). Un séjour de deux mois qui permet à Élisabeth, contrainte de dormir dans sa voiture pour échapper aux violences conjugales, de reprendre pied. « Le sas entre la précarité dans laquelle elle était et le fait de pouvoir s'en sortir, c'était le logement », résume Pierre-Yves Loaëc.

Sa société fait évidemment partie des premières à emboîter le pas en proposant un lit. Avec succès : en deux ans et demi, cinq personnes ont été hébergées pour des périodes de quatre à six mois dans les locaux de Nobilito, situés sur l'île de Nantes. Une simple porte a été ajoutée afin de délimiter un espace privatif de 40 m², dans lequel la personne accueillie peut profiter d'un lit, des sanitaires, d'une petite cuisine, de la télévision de la salle de réunion et d'un accès Internet. Seule condition : laisser libres les locaux de 8 h 30 à 18 heures, pour que la vie de l'entreprise puisse suivre son cours.

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Lui ne peut qu'encourager d'autres sociétés à suivre le mouvement. « Il y a toujours un peu de parano qui est liée à la sécurité des données, des personnes. C'est plus ou moins justifié, estime-t-il. Le fait est que je dors beaucoup mieux quand il y a quelqu'un ici que quand c'est simplement sous alarme. L'invité – on les appelle « invités » parce qu'il n'y a pas de contrepartie –, ce n'est pas mon vigile, ce n'est pas mon concierge, mais il y a une présence humaine. »

Un vaste réseau d'entraide

Pour sélectionner leurs hôtes, les Bureaux du Cœur s'appuient sur le savoir-faire d'associations locales. « Les bureaux restent un outil de travail, donc on ne peut pas accueillir tout le monde, explique Pierre-Yves Loaëc. Mes collaborateurs ne sont pas formés pour faire du travail social. Pour autant, aider quelqu'un qui a envie de s'en sortir à faire son CV, lui trouver un job ou faire fonctionner nos réseaux, tout ça c'est faisable ici. »

En moins de trois ans d'existence, l'association nantaise a déjà développé 24 antennes à travers la France, principalement dans le Grand-Ouest et les grandes métropoles, pour 70 entreprises partenaires et une centaine de personnes logées.

Une croissance à pleine vitesse, appuyée par l'engagement de nombreux bénévoles. À l'image de Marie-Laure Feillant, sophrologue de métier, qui travaille depuis décembre dernier au développement d'une antenne à Brest. « J'ai vu un article du Télégramme au mois de novembre et je l'ai trouvé tellement intéressant que j'ai contacté Pierre-Yves sur LinkedIn. Pour moi, c'est vraiment un projet qui a du sens puisqu'il s'agit de mettre à disposition des ressources qui existent pour des gens qui n'ont même pas où dormir. »

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Son enthousiasme est contagieux. En tout juste six mois, cinq entreprises de la métropole finistérienne ont déjà adhéré et un premier hôte a pu être accueilli, début mai, dans une maison accolée aux bureaux de la société Upster. « C'est un monsieur de 62 ans qui travaille en usine en CDD et qui dormait depuis de nombreux mois dans sa voiture, décrit Marie-Laure Feillant. Quand on est arrivés pour le présenter à Pierre Durrmann et son équipe, trois des apprentis l'attendaient avec un petit sachet avec de bonnes terrines et plein de bonnes choses à manger. J'ai trouvé ça extrêmement touchant. Ce contact humain est important, ça permet de retrouver un peu de sociabilité. »

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Commentaire (1)

  • Benel

    Il y a de la ressource chez les individus ! Pourvu que l’administration n’y mette pas son nez !