Publicité
Témoignage

« Docteure en neurosciences, je vais représenter la France aux JO de Tokyo… en skateboard »

TEMOIGNAGE// Charlotte Hym, 28 ans, a soutenu sa thèse en novembre 2019. En parallèle de son doctorat, la Parisienne s'est entraînée sans relâche en skateboard. Jusqu'à décrocher son ticket pour les Jeux olympiques de Tokyo.

Charlotte Hym est qualifiée pour l'épreuve de street, qui a lieu le 26 juillet 2021 aux Jeux olympiques de Tokyo.
Charlotte Hym est qualifiée pour l'épreuve de street, qui a lieu le 26 juillet 2021 aux Jeux olympiques de Tokyo. (Greg Poissonnier)

Par Chloé Marriault

Publié le 14 juil. 2021 à 17:03Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:18

« J'ai commencé le skate vers 12 ans, dans la rue, à Paris. C'est rapidement devenu une passion à laquelle je m'adonnais après les cours. J'aimais le fait de pouvoir pratiquer quand je voulais et d'explorer plein de quartiers, aussi bien aux Halles qu'à Bobigny ou à La Défense. J'avais le sentiment d'avoir des possibilités infinies sans devoir suivre de règles précises et de pouvoir être créative en utilisant l'architecture urbaine.

Mon bac en poche, je me suis lancée dans une licence Staps à l'Université Paris-Descartes. Je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire plus tard mais ce cursus, qui comporte des matières sur le sport, la bio ou encore l'anatomie, m'intéressait. En parallèle, je skatais quand j'avais du temps. A 20 ans, j'ai commencé à participer à quelques compétitions. C'était l'occasion de voir du monde et de me faire un peu d'argent.

J'ai enchaîné avec un master 'vieillissement, handicap : mouvement et adaptation'. A la fin de celui-ci, le directeur de mon mémoire m'a dit qu'une chercheuse avait besoin d'un étudiant en thèse. Elle avait un projet en cours sur l'impact de l'odeur, du langage et des mouvements des mères sur leur nouveau-né. On s'est bien entendues et je trouvais le sujet intéressant. Certaines expérimentations se passaient sur une sorte de petit tapis à roulettes sur lequel étaient installés les enfants pour se déplacer... ça m'a fait penser au skate ! Convaincue que je pourrais m'épanouir dans la recherche, j'ai commencé ce doctorat en 2015.

Le skateboard aux JO, une première

Publicité

Un an plus tard, j'ai appris sur Instagram que le skateboard ferait son entrée aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2020. Le sport allait être représenté dans deux catégories : le park (qu'on appelle aussi 'bowl', car il se pratique dans une sorte de grande piscine vide aux parois arrondies, NDLR) et le street (dans un environnement qui reproduit les éléments de l'architecture urbaine avec des rampes, des escaliers, des plans inclinés...). Je me suis dit que c'était une bonne nouvelle pour la discipline.

Y participer ne m'a pas effleuré l'esprit mais quelques mois plus tard, la Fédération de roller et de skateboard m'a fait une proposition. Elle montait une équipe pour représenter le France et m'a demandé si je voulais la rejoindre car j'avais participé aux championnats de France. Objectif : s'entraîner et participer à des compétitions en vue d'être sélectionnée en street.

J'avais toujours vu le skate comme un truc que je faisais pour le fun, sans trop d'enjeux. Quand la Fédération m'a contactée, je me suis dit que c'était un truc de malade, que je pourrais peut-être décrocher une place si je travaillais dur !

Ma directrice de thèse m'a encouragée et indiqué qu'elle pourrait me libérer du temps, tant que je faisais le travail qui m'était demandé. Mon rythme est devenu assez soutenu. J'ai commencé à m'entraîner les soirs et week-ends dans un skatepark à Chelles (Seine-et-Marne) et à participer à des compétitions aux Etats-Unis, au Canada, au Brésil, en Russie... Je ne pouvais pas participer à toutes les compétitions mais lorsque c'était le cas, je prenais toujours mon ordinateur. Là-bas, pendant que les autres skaters passaient, je mettais mon temps libre à profit. Je faisais de l'analyse de données, préparais des présentations PowerPoint, répondais à des mails, avançais dans la rédaction de ma thèse…

En novembre 2019, j'ai soutenu ma thèse, préparée en quatre ans au lieu de trois. Il me restait alors huit mois pour m'entraîner pour les JO, qui devaient à l'origine se dérouler à l'été 2020. Pour espérer y arriver, j'ai décidé d'y consacrer tout mon temps et de mettre de côté la recherche en attendant. Financièrement, cela a été possible car j'ai été soutenue par un mécène - la Caisse d'Epargne d'Île-de-France via le Pacte de performance, par mon département (Seine-et-Marne), la région Île-de-France et par ma Fédération.

Le report des JO en raison de la crise sanitaire m'a permis de m'entraîner un an de plus et de mettre toutes les chances de mon côté. Me qualifier a été compliqué. J'ai décroché la 18e place sur 20.

L'épreuve à laquelle je participe a lieu le 26 juillet. Je n'y vais pas stressée, je vois plutôt ça comme une super opportunité où je peux donner le meilleur de moi-même. Les JO vont mettre en avant le skate, donner envie à plus de personnes d'essayer. Le fait qu'il y ait plus de pratiquants permettra d'augmenter le niveau et poussera à être plus créatif. Avoir autant de filles représentées que de garçons participe aussi à casser les stéréotypes selon lesquels ce sport serait réservé aux garçons.

Coupler sport et recherche

Le skate est ce que j'aime le plus au monde. Ce sport m'a par exemple aidée à ne pas me démotiver face aux obstacles que je peux rencontrer dans mon travail de chercheuse. Pour moi, ces deux activités sont complémentaires. C'est donc important de pouvoir coupler les deux, d'avoir un double projet. D'autant que comme dans n'importe quel sport, une blessure peut mettre fin à une carrière montante.

Greg Poissonnier

Publicité

Une fois les JO terminés, j'envisage de commencer un post-doctorat en janvier 2022 auprès de ma directrice de thèse. Cela me permettra de poursuivre les recherches que j'ai entreprises. J'aimerais pouvoir faire cela à mi-temps, pour continuer à m'entrainer en skate… et pourquoi pas, participer aux Jeux de Paris, en 2024. »

À noter

Si vous avez aussi une belle (ou moins belle) histoire à raconter, n'hésitez pas à nous contacter : redaction-start@lesechos.fr

Et pour lire d'autres témoignages inspirants, c'est ICI.

Propos recueillis par Chloé Marriault

Publicité