Interview

Prime à la conversion pour le vélo : «Il y a un côté historique»

Pour le président de la Fédération française des usagers de la bicyclette, Olivier Schneider, l’amendement adopté vendredi dans le cadre de la loi climat, qui prévoit de nouvelles aides pour faciliter notamment l’acquisition de vélos à assistance électrique, est un tournant culturel.
par Romain Boulho
publié le 10 avril 2021 à 18h54

La prime à la conversion ne sera plus réservée aux voitures. Les députés, en plein examen du projet de loi climat et résilience, actuellement en première lecture à l’Assemblée nationale, ont voté vendredi soir une série d’aides pour faciliter l’achat de vélos. Parmi ces aides figure l’élargissement de la prime à la conversion aux vélos, notamment à assistance électrique (VAE) – qui représentent désormais un vélo sur cinq vendus en France. L’amendement était défendu par la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili. Fin mars, des parlementaires de différents partis avaient appelé dans Libération à inclure le vélo, en plein essor depuis le début de la crise sanitaire, dans le projet de loi climat. Si le montant et les conditions de la prime restent encore à être précisés, Olivier Schneider, président de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB), groupe de pression qui rassemble 400 associations, se félicite de cette avancée.

L’élargissement au vélo électrique de la prime à la conversion a été voté unanimement par l’Assemblée et défendue par le gouvernement, qui avait été très critiqué face à l’absence du vélo dans le projet de loi climat…

Oui : on aura une loi climat dans laquelle il y a du vélo… Cet aspect-là est symbolique. Que ce soit pour nous, pour les 150 citoyens de la convention [citoyenne pour le climat], ou beaucoup de députés, y compris dans la majorité, c’était absolument choquant de voir que dans la première mouture, il n’y avait que dans l’article 13 sur l’économie circulaire que le mot «bicyclette» était cité. On y disait que les pièces de rechange pour les vélos devaient être disponibles pendant cinq ans. Excusez du peu… En plus, cinq ans, ce n’est vraiment pas beaucoup, même s’il faut effectivement s’intéresser au devenir des VAE, moins faciles à entretenir que des vélos classiques. Je pense que le gouvernement a estimé qu’avec le plan vélo de 2018, avec la loi mobilités de 2019 et le plan vélo du déconfinement de 2020, ils avaient fait le job. Et que d’ici 2022, il n’y avait plus rien à faire pour le vélo.

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Quel est votre sentiment sur cette prime ?

Au-delà d’avoir des conséquences pratiques, c’est hautement symbolique. Quand vous mettez au rebut, donc à la casse, un véhicule polluant, vous pouvez toucher 2 500 euros. Ce que promet cet amendement, c’est de pouvoir acheter un vélo à assistance électrique, un vélo cargo, etc. avec cette somme. Cette mesure ne touche que les personnes qui ont une vieille voiture, contrairement au coup de pouce vélo de 50 euros [arrêté le 31 mars] qui a permis à 2 millions de personnes de faire réparer leur vélo. Là, c’est certes moins massif, mais ça va toucher des familles rurales ou périurbaines multimotorisées, dans lesquelles il y a souvent deux, voire trois voitures. Surtout, culturellement, c’est quelque chose de nouveau. Il y a un côté historique.

En quoi est-ce historique ?

On est dans un pays avec une forte industrie automobile. Souvent, le but des primes, c’est de se débarrasser de son ancienne voiture pour en acheter une nouvelle. Là, le fait d’admettre qu’une des solutions c’est d’avoir une voiture en moins, c’est un tournant. Si vous m’aviez dit il y a deux semaines que c’est ce qu’on obtiendrait, je ne vous aurais pas cru. Ces mesures, on les propose depuis des années. Le gouvernement vient amender son propre projet de loi et y ajouter une mesure très forte. Ça fait aussi partie de la prise de conscience que le vélo peut être une filière stratégique. D’ailleurs, un certain nombre d’amendements ont la particularité d’avoir été déposés de façon transpartisane, ce qui arrive rarement, et montre l’évolution de la perception du sujet vélo.

Que retenez-vous d’autre ?

Il y a eu plein de petits amendements qui sont passés ce samedi matin, ce qui veut dire que le vélo sera présent là où il faut dans la loi. Il y a aussi eu un engagement de Jean-Baptiste Djebbari, ministre des Transports, pour travailler sur les angles morts, la filière, ainsi qu’une annonce pour financer l’apprentissage de la mobilité vélo, le «Savoir rouler à vélo». C’est notre fédération qui va animer ce programme doté d’un budget de 21 millions d’euros pour apprendre à tous nos enfants à faire du vélo avant de rentrer au collège. Ça, quand même, ça a été annoncé par Edouard Philippe le 9 janvier 2018. En trois ans, 15 000 enfants ont été formés, alors qu’il y a 850 000 enfants qui devraient le faire chaque année… Or c’est essentiel, face à la transition écologique, d’apprendre à faire du vélo. D’autant plus qu’avec les «Zones à faible émission mobilité» qui vont fleurir avec cette loi, les vieilles voitures seront interdites. Et donc certains pourraient se sentir exclus de la possibilité de se déplacer.

Quels chantiers restent encore à mener ?

Pour la FUB, il y a deux choses à mettre en place : un fonds vélo pour accompagner les collectivités et les aider à construire de nouvelles pistes cyclables, et rendre le Forfait mobilité durable obligatoire pour les salariés qui «vélotaffent».

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