Debout devant une grande table en inox, Théo Bel emplit méticuleusement une verrine de salade de pois chiche et de carottes aux herbes aromatiques. « Je préfère m’occuper des desserts », glisse le jeune homme âgé de « 20 ans et demi », porteur d’un autisme léger. Diplômé d’un CAP en pâtisserie et d’un autre d’« agent polyvalent de restauration », il est le premier à avoir été embauché en CDI chez Biscornu, un traiteur créé en juillet 2020. La structure, dite « inclusive », propose des verrines à base de fruits et légumes bio abîmés, imaginées par des chefs étoilés et réalisées par des jeunes en situation de handicap.
A l’initiative de ce projet, Olivier Tran, père d’un jeune garçon de 15 ans touché par un autisme sévère. Alors que ce dernier se trouvait sans institution spécialisée pour l’accueillir depuis trois ans, Olivier Tran a mis un terme à sa carrière dans l’industrie pour imaginer cette structure afin que son fils et d’autres jeunes dans le même cas échappent à « une mort sociale », selon ses mots. Selon le plan autisme de 2018, sur 700 000 personnes estimées porteuses de ce handicap en France, seules 0,5 % travaillent en milieu « ordinaire ». Mais Olivier Tran relève que son secteur est porteur d’espoir :
« Le modèle de la restauration est adapté, car il y a une certaine régularité dans le travail et un résultat rapide qui permet à chacun de comprendre ce qu’il fait. »
Les chefs cuisiniers s’adaptent à leurs commis
Pour que l’aventure de Biscornu voie le jour, rien n’a été laissé au hasard. Horaires aménagés, pauses adaptées, schémas plastifiés pour expliquer chaque étape du remplissage des verrines… Ce sont les chefs cuisiniers de Biscornu qui s’adaptent à leurs commis et pas l’inverse. « Je remets beaucoup en question ma manière de travailler », confie Jean-Marie Courtel, chef de Biscornu :
« Si l’un des jeunes ne comprend pas ce que je lui demande de faire, c’est que je lui ai mal expliqué. »
A l’image de Biscornu, plusieurs autres structures de restauration sont nées ces dernières années pour insérer des jeunes porteurs de handicap, comme Le Café joyeux, sur les Champs-Elysées, ou Le Reflet, situé en plein cœur du quartier du Marais, à Paris. Derrière la devanture noire, ornée de pierres, Vincent, Eurydice et Cyril, tous les trois porteurs de trisomie 21, travaillent sous les ordres bienveillants de leurs chefs, Fabrice Bloch et Sarah Kaladjian.
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