« Bonjour Lucette ! Bonjour Nadia ! Bonjour David ! Bonjour Sylvie ! » Dans les allées de l’atelier de confection de l’usine, pas un prénom n’échappe à Martin Breuvart, le président de l’entreprise de textile Lemahieu, dont la chaîne de fabrication est entièrement française. Mécanique bien rodée, les salariés attablés derrière leurs machines à coudre répondent à leur patron âgé de 42 ans par un chaleureux « Bonjour Martin ». Bienvenue chez Lemahieu, à Saint-André-lez-Lille (Nord), où la relocalisation de la fabrication textile en France n’est pas qu’une utopie.
Culottes, boxers, débardeurs, caracos ou leggings, voilà plus de soixante-dix ans que l’entreprise, au capital familial jusqu’en 2018, produit des sous-vêtements, du patronage à l’expédition, en passant par le tricotage, la coupe, la broderie, la confection et la finition. Le Slip français, 1083, Le Bourget, Archiduchesse ou de nouvelles marques comme Paris-Lille et sa production locale en petites séries. Des jeunes griffes qui se lancent sur le marché français mais aussi des grands noms qui ont à cœur de souligner leur engagement pour le made in France. Tous produisent à Saint-André. « Il n’y a que la teinture que l’on sous-traite en France et en Belgique », tient à préciser Martin Breuvart.
Cet ancien d’HEC Paris a repris cette bonneterie il y a deux ans et demi avec son associé Loïc Baert. A l’époque, la manufacture comptait 90 salariés. Ils sont aujourd’hui 133 et le chiffre d’affaires est passé de 5,8 millions d’euros en 2018, à 7 millions en 2020, et il devrait atteindre les 8 millions d’euros cette année. « L’enjeu financier, c’est important, mais ce n’est pas la finalité, insiste Martin Breuvart. Toute notre gouvernance est basée sur la RSE [responsabilité sociétale des entreprises]. Il faut que l’entreprise soit économiquement viable, socialement juste, et environnementalement bonne. » L’objectif de neutralité carbone devrait d’ailleurs être atteint en 2030.
Masques en tissu
Lemahieu est devenu l’un des symboles de la réindustrialisation dans les Hauts-de-France, notamment il y a un an, lorsque l’usine s’est associée au CHU de Lille et à l’association Le souffle du Nord pour accompagner 24 000 couturières bénévoles à produire en urgence des masques en tissu au début de la pandémie. « En produisant localement, on est plus agile, on obtient des délais plus courts et on est sur du qualitatif », souligne le dirigeant nordiste. Il y a dix ans, Martin Breuvart était pourtant aux antipodes de cette philosophie de vie. « Cost killer » dans le textile à Shanghaï, il cherchait sans cesse à baisser les prix et augmenter les volumes : « Pendant mes cinq ans passés en Chine, j’ai vu les travers de la mondialisation à outrance et la course au moins-disant. » Il finit par ne plus supporter les monticules de déchets, les ciels noirs liés à l’industrie du charbon, ou ces dortoirs dans lesquels s’agglutinent les ouvriers des ateliers de confection. « Il y a dix ans, comme nous tous, je n’étais pas le même consommateur, explique-t-il. Aujourd’hui, on est dans la glaise des problématiques sociales et environnementales. »
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